Pour une collectivité territoriale unique en Bretagne

Publié le par l'agora de Bretagne

par Romain Pasquier

Directeur de recherche au CNRS

Professeur à Sciences-Po Rennes

 

Dans un tout récent sondage (7 mars dernier), trois Alsaciens sur quatre envisagent de dire « oui » au référendum du 7 avril prochain sur la création d’un collectivité territoriale unique en Alsace. Et les Bretons me direz-vous ? Difficile de répondre car on ne leur a jamais posé la question. En effet, à rebours des élus alsaciens, guyanais, martiniquais, lyonnais, Franciliens, les élus bretons ne semblent pas intéressés par un débat citoyen sur l’avenir institutionnel de la Bretagne. Cette région, pourtant aiguillon de la décentralisation dès l’après guerre est aujourd’hui sans imagination, sans projet, sinon celui du statu quo. A l’heure où l’Alsace, le Grand Paris, le Grand Lyon se dotent de statuts sur mesure pour renforcer la compétitivité de leurs territoires, la Bretagne semble frappée d’immobilisme. 

 

Le projet Lebranchu sonne comme une nouvelle défaite pour la Bretagne. Inconsistant, il n’apportera aucune réponse institutionnelle aux défis économiques sociaux qu’elle devra relever dans les décennies à venir. Notre région a besoin d’expérimenter des compétences nouvelles, de tester des organisations alternatives, d’adapter localement un cadre législatif toujours plus contraignant. Rien de tout cela dans ce projet mais, au contraire, de nouvelles strates administratives, de nouveaux schémas technocratiques pour pallier vainement à l’enchevêtrement des compétences et des responsabilités locales. Le moment est venu pour la Bretagne de changer de braquet et de méthode.

 

Pourquoi ? Parce que dans un monde toujours plus globalisé ou les métropoles XXL jouent un rôle grandissant, une région de taille moyenne comme la Bretagne ne peut préparer son avenir en reconduisant une organisation issue du XIXe siècle. Doit-elle poursuivre dans la voie du saupoudrage des ressources publique en une multitude de collectivités territoriales et d’établissements publics ou, au contraire, réduire son nombre d’échelons pour rendre la démocratie territoriale plus vivante et les services publics plus efficients ? Rappelons simplement que la Bretagne n’a jamais été aussi puissante, si capable se peser sur son développement qu’il y a un demi-siècle quand une structure politique très légère, le Comité d’études et de liaison des intérêts bretons (CELIB), s’appuyant sur les forces vives régionales est parvenue à poser les bases du modèle économique breton. 

 

Que faire alors ? La Bretagne doit faire évoluer son organisation politique en s’appuyant sur ses points forts : la dynamique de son identité et le relatif équilibre de son territoire. Pour cela une piste est possible, celle d’engager d’une collectivité territoriale unique en Bretagne avec la fusion du conseil régional avec les quatre conseils généraux. Cela ne signifierait pas la disparition du département. Dans une région étirée comme la Bretagne, la circonscription départementale peut être maintenue sous la forme, par exemple, d’agences départementales. Cette collectivité territoriale unique serait dotée d’une assemblée territoriale et d’un gouvernement exécutif dont les sièges pourraient se situer dans des villes différentes afin de limiter les risques de centralisation régionale. Dotée d’un budget de 6 ou 7 milliards d’euros cette collectivité serait plus lisible pour les citoyens et mieux à même de coordonner les politiques régionale et départementale. 

 

Soyons lucides, les obstacles politiques et institutionnels à cette réforme sont nombreux mais le pire serait de ne rien faire, de laisser la Bretagne s’endormir tranquillement. Les élus de Bretagne doivent donner la parole aux Bretons en organisant un très large débat sur l’organisation de leur région pour le XXIe siècle. Au terme de ce débat, ils auront toute légitimité pour prendre enfin ( !) des initiatives et faire pression sur le gouvernement. La Bretagne vaudrait-elle moins que l’Alsace ou le Grand Lyon ? Mesdames, messieurs les élus, la Bretagne ne peut rester à quai.


Publié dans Territoires

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